Le pendule
Comédie en 3 actes
3 hommes, 3 femmes
90 minutes
décor unique
Le pendule est destiné à des jeunes troupes professionnelles ou à des compagnies amateurs de bon niveau. Tous les personnages ont entre 25 et 40 ans. Le sujet est ambitieux, mais le traitement reste amusant. Les acteurs doivent avoir le sens de l'effet comique, mais aussi une vraie finesse psychologique.
C'est ma dernière pièce, écrite en 2017, et bien sûr c'est ma préférée ! (En attendant la prochaine...)
Un pendule au dessus d'une main : s'il tourne, la personne a ou aura une fille, s'il fait un va-et-vient, c'est un garçon. Johanna, jeune institutrice, s'amuse parfois à faire cette expérience étrange, et jusqu'à présent son pendule a toujours dit la vérité. Elle-même aura apparemment une fille et un garçon. Un jour de fin d'année scolaire, elle raconte cela à ses élèves, qui la pressent de sortir son pendule pour eux. Le verdict est alors stupéfiant et effrayant : personne dans la classe n'aura d'enfant ! Une génération entière qui n'aura plus de descendance ! De là à imaginer que l'humanité pourrait avoir disparu d'ici une dizaine d'années...
Johanna, son mari, son frère, des amis, vont réagir diversement à cette révélation. Certains y croient, d'autres se moquent, mais tous sentent que cela peut changer leur façon de vivre. Un couple se déchire, un autre se soude, un troisième se forme. Et si c'était vrai ? Sur le ton de la comédie, la pièce explore les conséquences possibles de l'immobilité du pendule...
Extrait...
Le décor représente un jardinet de ville. Selon l'inspiration (et le budget) du décorateur, il pourra y avoir de la pelouse, un mur de clôture au fond sur lequel grimpent quelques plantes, un ou deux bancs, une table desserte, des chaises pliantes... Pas de plastique ! Du bois au vernis un peu passé ou du fer quelque peu rouillé. C'est un jardin agréable mais pas très entretenu.
Au lever du rideau, Fred est sur un banc, sa guitare posée à côté de lui. Audrey est debout, assez loin de lui. Guillaume, faussement enjoué, est au milieu.
Guillaume – Excusez-moi, je reviens dans un instant... Je vous laisse faire connaissance... (Et il sort déjà. Un temps. Echange de regards, sourire automatique d'Audrey, râclement de gorge de Fred...)
Audrey – Je suppose qu'il va voir Johanna.
Fred – Mm... Donc il ne revient pas dans un instant. Je la connais assez, ma soeur : quand elle part comme ça dans une crise d'angoisse, on ne lui redonne pas le sourire juste par un bisou dans le cou !
Audrey – Ce n'est pas vraiment une crise d'angoisse.
Fred – Elle s'est engueulée avec Guillaume ?... (Un temps.)
Audrey – Elle ne vous en a pas parlé ?
Fred – De quoi ?
Audrey – De... de son expérience, hier, à l'école.
Fred – Avec moi, elle ne cause jamais boulot, elle sait bien que ça ne m'intéresse pas.
Audrey – Et... C'est quoi, ce qui vous intéresse ?
Fred - ... Ah, donc on fait connaissance, c'est ça ?
Audrey – Pourquoi pas ? A moins que vous ne préfériez parler météo. Ou jouer de la guitare.
Fred – (Il prend la guitare, enchaîne quelques accords, puis chantonne :) L'air est bien doux ce soir, tout risque d'orage semble écarté. Vingt-cinq degrés et pas de vent, ce sera une belle soirée de Saint-Jean.
Audrey – (Elle chante de même en improvisant, Fred continuant l'accompagnement à la guitare.) Mais si Johanna reste enfermée, avec ses peurs et ses questions... la Saint-Jean sans feu ni fumée... ne sera que désolation.
Fred – Soirée comédie musicale ? Cool ! (Guillaume revient, avec un sourire de façade. Fred reprend en chantant.) Alors ? Tu reviens tout seul ? Elle fait toujours la gueule ?
Guillaume – Elle va arriver. Et puis, elle n'est pas fâchée. C'est juste un petit blues personnel.
Audrey – Un petit blues personnel ? Ah, j'avais cru comprendre que ça mettait tout de même en question l'avenir de l'humanité, carrément la survie de l'espèce humaine, mais bon, si ça peut passer avec un coup de maquillage et un apéro...
Guillaume – Audrey, ne rentre pas dans son jeu. Si toi aussi tu dramatises cette histoire...
Fred – C'est secret défense, ou je peux savoir de quoi il s'agit ?
Guillaume – (Avec un brin d'ironie) Ah, si l'information se révélait scientifiquement exacte, et si elle remontait en haut lieu, je crois qu'elle pourrait être classée secret défense, oui !
Audrey – Ça ferait l'effet d'une drôle de bombe, c'est sûr !
Fred – Bon, vous crachez le morceau, ou quoi ?
Guillaume – Je pense que c'est à Jo de décider si elle prend le risque de publier l'affaire.
Fred – Même vis à vis de moi ce serait considéré comme un risque ? Vous faîtes flipper, là!
Guillaume – (Après un petit temps d'hésitation et un regard vers Audrey) Bon. Fred, je suppose que Jo t'a déjà fait le pendule.
Fred – Le pendule ?
Guillaume – Oui, le... (Il mime la paume de la main gauche vers le ciel et l'autre main vingt centimètres au dessus qui agiterait un fil.)
Fred – Ah ! Ben oui, elle l'a fait à toute la famille.
Guillaume – Et ça a donné quoi ?
Fred – Heu, un garçon, je crois.
Audrey – Tiens, comme moi !
Fred – Mais il n'est pas encore né.
Audrey – Le mien non plus.
Fred – Et la mère n'est pas encore en vue. Bref, et alors ?
Guillaume – Alors... Hier elle s'est amusée à faire le pendule à ses élèves... (Johanna est entrée.)
Jo – Fred, tu ne raconteras ça à personne, promis ?
Fred – Parce que ? Tu aurais des ennuis avec l'inspecteur ? Tu es hors programme ?... C'est vrai qu'étudier le magnétisme du pendule à dix ans, c'est un peu compliqué.
Jo – C'était juste un petit jeu de fin d'année. Ils me demandaient si j'avais des enfants, je leur ai dit que pas encore, mais... Et je leur ai fait l'expérience du pendule sur moi. L'anneau tourne, bientôt j'aurai une fille ! Après l'anneau fait le va-et-vient, j'aurai un garçon ! Et après l'anneau ne bouge plus, la famille sera au complet ! (Un temps, elle hésite à livrer la suite.)
Fred – C'est quand même pas ça, le secret défense ?
Jo – Certains ont commencé à me dire : "moi, moi, tu me le fais ?" Je n'aurai jamais dû accepter.
.../...