Vestiaires
Comédie en 9 tableaux
3 hommes, 3 femmes
90 minutes
2 décors
Vestiaires est une pièce plutôt pour les compagnies de théâtre amateur. La plupart des scènes sont en trio, avec une belle exigence de travail d'acteur. Du rythme, du naturel, de la finesse de jeu, et l'efficacité comique est garantie !
Dans un club de gym, trois hommes et trois femmes transpirent pour un peu de force et de beauté. Six personnages en quête d'amour essaient de regonfler leurs muscles, et leur moral avec. Dans les vestiaires, lieux particuliers où subsistent une rigoureuse séparation des sexes, lieux d'intimité, de confidences et de rires, les hommes parlent de femmes, les femmes parlent des hommes... Entre eux, une cloison solide, construite avec des tabous. Mais un jour, par jeu, par défi, par désir aussi, les hommes bravent l'interdit en allant voir du côté des dames...
"Vestiaires" est une suite de tranches de vie souvent burlesques, parfois tendres, sur les difficultés des rapports hommes-femmes.
Extrait...
(Roland entre brusquement, comme catapulté de l'extérieur. Il est en tenue de ville. Une fois son élan stoppé, il fait semblant d'être confus, époussette ses habits, souffle, sourit.)
ROLAND - Désolé...
BLANDINE - Hé, ça va durer longtemps, ce petit jeu ?
ROLAND - (Vers la coulisse : ) Jean-Pierre, tu es vraiment...
COLETTE - (Off) Blandine, tu peux me passer mon peignoir ?
BLANDINE - (Elle prend ses affaires, puis le peignoir de Colette.) Oui. Il faut bien se couvrir en sortant, Colette, Il y a un courant d'air terrible entre le vestiaire des hommes et celui des femmes ! (Elle ressort vers les douches.)
ROLAND - Bon allez, Jérôme, dépêche-toi, je crois qu'on gêne.
JEROME - C'est bien à lui de dire ça !
CLAIRE - (Sortant son sac de son casier : ) Messieurs, à bientôt, et merci de votre visite.
JEROME - On s'attend dans le hall ?
CLAIRE - Si tu veux.
(Jean-Pierre, bien habillé, risque un pas sur la scène.)
JEAN-PIERRE - Alors, qu'est-ce que vous faites ?
CLAIRE - Mais ! On n'a pas annoncé une journée porte ouverte, non ?
JEAN-PIERRE - Pardon, je venais juste vérifier si mes...
CLAIRE - Ça devient un peu lourd, votre gag...
JEAN-PIERRE - camarades ne faisaient pas de bêtises.
CLAIRE - Et il y en a un quatrième qui prépare son entrée ?
ROLAND - Je ne pense pas. De toutes façons, vu l'accueil, je crois qu'on va annuler toutes les visites.
COLETTE - (Venant des douches, en peignoir : ) Et c'était à quel sujet, ces visites ? Il devait y avoir urgence, pour que vous n'attendiez même pas que nous soyons rhabillées. (Echanges de regards entre les trois hommes, chacun semblant attendre qu'un autre réponde...) Pas tous en même temps.
ROLAND - (Il tente de reprendre le dessus en blaguant.) Ah, on voit que madame a l'avantage de jouer sur son terrain. Un point pour l'équipe féminine.
COLETTE - Personne ne vous a demandé de sortir de votre camp.
ROLAND - Bien sûr.
COLETTE - Mais on pourrait bien vous demander d'y retourner.
ROLAND - Bien sûr. Ce serait dommage, maintenant que le premier pas est fait...
CLAIRE - Eh bien faites le deuxième dans l'autre sens.
ROLAND - ... D'accord. Deux à zéro.
JEAN-PIERRE - Allez, Roland, il vaut mieux se replier. D'un côté il y a des hommes, de l'autre il y a des femmes, entre les deux il y a un mur - plus solide que du béton : c'est construit avec des tabous - , et ce n'est pas aujourd’hui qu'on va faire sauter la sacro-sainte séparation des douches mâles et des douches femelles ! Surtout avec tes farces de collégien comme point de départ !
CLAIRE - Et pourquoi la faire sauter, cette séparation ? Elle vous gêne ? Le vestiaire, c'est peut-être le seul endroit où la mixité n'est pas encore arrivée, et c'est tant mieux. Chaque sexe a le droit, je dirai même le plaisir, de cultiver ses particularités dans un endroit réservé. Même vous, vous croyez que vous auriez autant d'allégresse à chanter, à gueuler ou à raconter vos histoires de cul si des femmes se remaquillaient dans la même pièce ?
COLETTE - Et quand tu parles de maquillage, c'est pour être polie. C'est plutôt le moment du déshabillage qui créerait une drôle d'ambiance...
ROLAND - Pas forcément...
COLETTE - Avouez donc que vous avez franchi cette porte plus pour constater les progrès de nos muscles fessiers que pour discuter popote ! Mater le vestiaire des filles, c'est un vieux fantasme qui vous travaille, non ?
JEROME - Fantasme ?...
ROLAND - C'est l'interdit qui fait fantasmer ! S'il n'y avait pas ce mur entre les hommes et les femmes, ça ne ferait aucun problème. Les scènes de déshabillage deviendraient d'un banal ! Personne n'y ferait attention.
CLAIRE - Et ce serait tellement triste !
JEAN-PIERRE - Triste ?
CLAIRE - Je me mettrais nue à côté d'un homme, et il ne me jetterait même pas un coup d'oeil ? Comme si j'étais vieille, laide, transparente ? Et il continuerait à parler de sa bagnole, comme si j'étais moins qu'un poster de calendrier pour routier ?
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