Les coureurs
Spectacle athlétique et comique
2 hommes
80 minutes
pas de décor
Les coureurs est un duo comique masculin, créé en 2000 par Laurent Priou et moi-même. Deux festivals d'Avignon, six ans de tournée à travers la France (et même au-delà), et toujours un succès réjouissant pour ce spectacle sur un thème très particulier qui aurait pu ne pas intéresser les non-sportifs. Mais même ceux qui ignoraient tout de la course de fond riaient aux larmes ! Car parfois, c'est en visant un sujet précis qu'on arrive à toucher l'universel...
Les coureurs ne demande désormais qu'à être repris par deux comédiens qui n'ont pas peur de mouiller le maillot ! L'efficacité comique est formidable, dans une mise en scène dynamique au service de textes originaux.
Les marathoniens sont des animaux étranges qui se nourrissent de nouilles et sentent la pommade camphrée.
Ce sont des solitaires, mais ils se regroupent souvent en troupeaux considérables pour de grandes migrations pouvant dépasser 42 kilomètres !
Les mâles, largement majoritaires, ne courent pas après les rares femelles, même à la saison des compétitions. Ils trottent volontiers devant, ignorant les jambes fuselées et les shorts moulants. Ils sont davantage obsédés par l'organe curieux qu'il se sont fait greffer au poignet : le chronomètre.
Cette espèce amusante prolifère depuis une trentaine d'années. Ses moeurs, ses rituels, son langage, son goût insolite pour la souffrance égoïste et l'héroïsme inutile, méritaient bien qu'on y consacre quelques sketches !
Extrait...
(Quand deux femmes parlent de leurs accouchements, elles évoquent avec passion les préparatifs, les douleurs, les joies, les suites... Chacune ne s’intéressant qu’à sa propre histoire. Et quand deux hommes parlent de leurs marathons ?...)
B - Ecoute, je vais te faire une confidence...
A - Oh, toi, tu as les yeux qui pétillent, ça sent la bonne nouvelle!
B – Oui ! Oh, je ne l’ai encore dit... à presque personne.
A - Dis vite!
B - ... Ça va te scier !...
A - Vas-y, accouche !
B - ... Je prépare un marathon !
A - (Soufflé, et très heureux) ... Oooh ! Génial ! C’est pour quand ?
B - Neuf semaines.
A - Ah ben, toi alors !... Mais je croyais que tu avais décidé que tu ne ferais pas de troisième ?
B - C’est vrai, après les deux premiers, j’avais dit que je n’en voulais plus... Et puis tu vois... Ça y est, le troisième est en route !
A - Tu as raison. Tu verras, c’est bien, un troisième. Je vais te dire: moi, ça me tenterait même d’en faire un cinquième.
B - Ben fais le ! Qu’est ce qui t’empêche ?
A - Ma femme. Elle n’est pas d’accord pour refaire encore des sacrifices. Et puis elle dit que ça va m’user, surtout après les quatre premiers qui étaient quand même assez rapprochés...
B - Oh, avec une bonne préparation... Je ne dirai pas que c’est sans douleur, mais y a pas de raison que ça se passe mal.
A - Ça, on n’en sait rien. Tu sais, moi, le premier et le troisième ont été difficiles; par contre, le deuxième et le quatrième: les doigts dans le nez ! Alors le prochain, va savoir !
B - Le troisième, ça s’était mal passé ? Je ne me souviens pas...
A - Si, si, j’en avais bavé, pour le troisième. Et dès le début ! Les contractures ! Les contractures ! J’arrivais pas à me relâcher, je respirais n’importe comment... La galère !
B - Dans ces cas là, vaut mieux abandonner.
A – Prématurément ? Ah non ! Tu es engagé, tu vas au bout, même si tu mets un temps fou. En plus, j’avais eu raison d’insister, parce que sur la fin, le second souffle, tu vois, j’ai donné tout ce que j’avais, j’ai poussé, poussé, poussé...
B - Et tu es quand même allé jusqu’au terme.
A – Oui ! Ah, tu ne peux pas savoir la joie, quand j’ai coupé le cordon, à l’arrivée !
B - Si, je connais ! La délivrance !... Moi c’est à mon premier que j’ai souffert, terrible.
A - Le premier, c’est normal. Le corps n’a jamais connu un travail aussi long et épuisant. Ce sont des sensations nouvelles ; tu ne maîtrises pas vraiment.
B - Même avec une bonne préparation. Non, moi, le premier, ça a été un chemin de croix. A la moitié, je n’en pouvais plus !
A - Parti trop vite.
B - Alors après, j’avais beau, j’avais beau monter les genoux...
A - Moi j’essayais plutôt d’allonger les jambes...
B - Ça n’avançait pas.
A - Ce qu’il faut dans ces cas là, c’est bien se ravitailler.
B - Ben oui, mais attends, j’avais mes pastilles de glucose, dans la poche du short, là...
A - Moi aussi j’ai ça...
B - Attends, au vingt-cinquième, je perce la poche, et je perds les...
A - Oh! Tu parles d’un truc ! Ça, le short idéal, c’est pas facile. Moi c’était les frottements. A l’intérieur des cuisses. En sang, presque.
B - Quand même !
A - Je te jure, j’avais fini comme ça, les cuisses écartées !
B - Mon pauvre ! Moi les frottements, je ne étais pas rendu compte, c’était le maillot. Les tétons ! C’est après que j’ai jonglé ; ça faisait comme des crevasses, tu sais...
A - Quand même !
B - Je te jure. Je mettais de la pommade. Enfin, le premier, tu vois, tu crois que tu ne vas jamais voir le bout...
A - Et puis finalement, quand il est là...
B - Et qu’on te dit : bravo ! Superbe...
A - 42 kilos 195 !
B - C’est beau ! Tu serres ta petite médaille contre toi...
A - Ce sont des instants magiques...
(Un temps de rêve heureux, puis ils reprennent tous les deux la parole simultanément.)
A et B - Moi, pour le deuxième, c’était très différent... (Un temps.)
A - Remarque, pour le deuxième, c’est toujours différent.
B - Oui, avec l’expérience...
A - Les conditions ne sont pas les mêmes.
B - Tu es mieux préparé. Physiquement et psychologiquement.
A - Ça n’empêche que tu peux avoir aussi des difficultés, mais bon, en général, pour le deuxième...
B - On dit que ça se passe souvent mieux, pour le deuxième. (Un temps.)
A et B - Moi, pour le deuxième...
A - J’ai juste eu des problèmes respiratoires, sur la fin. (Il respire vite et bruyamment.) Comme ça, tu vois.
B - Oui, le halètement.
A - Le halètement, je ne suis pas contre, remarque. Mais à la longue, quand tu halètes, c’est entêtant.
B - Oui, et puis, ça fatigue. Ça te prend la poitrine, là...
A - Enfin, à part ça, moi le deuxième...
B - Oui, moi, pour le deuxième, ça a été rapide. Moins de trois heures.
A - C’est bien.
B - En fait, le plus dur, ça a été après. La récupération. Moralement surtout. Une petite déprime, quoi. Bizarre.
A - Non, c’est fréquent. On décompresse.
B - Enfin, on verra bien pour le troisième.
A - Ça ira, je suis sûr. Ah, je suis content pour toi ! (Ils amorcent un mouvement de sortie.) Dis, au fait, je ne t’ai pas dit la nouvelle, moi !
B - Quoi donc ?
A - Ma femme attend un bébé !
B - ... Oooh! Génial! C’est pour quand ?
A - Dans six mois.
B - Ah ben, toi alors !... Je croyais que vous aviez décidé que vous ne feriez pas de troisième...
Et ils sortent en continuant la conversation dans les mêmes termes qu’au début...